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JFL Brocard limousin 2014 1

18h, j’installe mon t-stand sur un sapin à la lisière d’un pré où le président de l’ACCA de ce village du haut limousin m’a assuré qu’un beau brocard venait régulièrement flâner. Après une minutieuse étude du terrain et des indices, je pense que le broc devrait venir sur ma droite entre mon poste et l’étang. Perché sur mon arbre à 20h, je scrute tous les mouvements des animaux présents ; lièvres, ragondins, chevrettes, chevrillards vont et viennent dans le champ. Vers 21h30, alors que j’attends mon invité de l’autre côté, je le vois planté au centre du pré sur ma gauche, il est venu par la route ! 33m m’annoncent mes jumelles, bien que je sois armé d’un compound, je renonce à un tel tir. Le bouc s’élance alors à grandes foulées vers la queue de l’étang. Que faire, il ne reviendra surement pas de suite. Je descends de mon perchoir et décide de le suivre en longeant la rangée de sapins qui sépare le pré du plan d’eau. Caché dans les fougères, je ne vois rien. Sans trop y croire, j’utilise mon appeau en imitant de mon mieux la complainte de la chèvre amoureuse. Après quelques instants, sa curiosité le fait sortir du maïs, il est à 45 m, il a les yeux rivés dans ma direction, il a dû voir quelque chose car je suis sûr que le vent est mon allié ; il frappe le sol puis m’aboie. Il ne sait donc pas qui je suis, je vais donc le provoquer : « Bahh, Bahh ! « . Il avance de 10m et m’invective à son tour. La scène va durer plus de 2 minutes, il fera le tour de ma cachette restant à une trentaine de mètres. Il passera même à distance de tir en traversant au petit trot le pont enjambant le ruisseau. Totalement dans l’action, je me surprends à imiter parfaitement le brocard en colère. Ca y est, j’ai gagné, mon adversaire s’enfuit, la place est mienne…

… Réveille-toi pépère, tu n’es pas là pour te mesurer à un chevreuil, tu es le prédateur et c’est lui qui a gagné…

Ce sont surement ce genres d’échecs qui nous stimulent et nous aident à repartir dès le lendemain en quête de nouvelles émotions.

Un autre animal m’a été indiqué par mes hôtes sur une commune voisine, un broc à tête blanche. Pour l’approche, je privilégie mon recurve. Arrivé à 5h45 sur place, je m’installe dans les fougères en bordure de bois. Dès que le jour se lève, j’aperçois une chevrette, puis deux, en train de brouter le trèfle. Tout à coup, le brocard sorti de nulle part se trouve à une cinquantaine de mètres de mon affût alors que j’attendais sa sortie du bois juste devant mon fourré. C’est bien la tête blanche. Je renonce à une approche directe, d’une part l’herbe est trempée de rosée, d’autre part les chevrettes ne manqueront pas de me surprendre ; je vais donc employer la tactique d’hier :  « Bahh, Bahh ! »

Le bouc redresse la tête, il trépigne, hésite, regarde autour de lui puis décide de venir chasser cet intrus qui en veut à ses chèvres… je n’en crois pas mes yeux, un quart d’heure de chasse et mon gibier est à une quinzaine de mètres. C’est le grand mystère de la chasse. Hier l’action méritait sûrement une autre fin mais quel souvenir me laissera celle-là ? Les anciens m’ont appris qu’il ne faut pas tourner le dos à la chance ; la flèche est partie avant que mon esprit ne fasse le tri de mes pensées. Je vois parfaitement l’impact du projectile, le brocard part en direction de ses amantes mais le pas n’est plus sûr, il s’immobilise et s’effondre à 35 m. Les chevrettes s’avancent vers sa dépouille jusqu’à ce qu’elles me voient sortir de ma cachette.

JFL Brocard limousin 2014 2

La victoire ne me semble pas très vertueuse mais je marque pourtant un long moment de recueillement avant de lui passer le bracelet.

S’il y a une morale à cette histoire, c’est pour nous dire qu’il faut s’enrichir de nos expériences et de nos échecs ; un jour vient ou tout semble simple…