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Guillaume nous fait part de ses aventures en Argentine, Black Widow à la main…

1000 mercis et 1000 bravos à lui !

Depuis un an et demi, je fais de nombreux aller-retour en Argentine, à Buenos Aires, où je travaille une bonne partie de l’année. Mon arc a toujours été du voyage, et j’ai eu la chance de pouvoir le sortir assez rapidement après mon arrivée.

Guillaume et son BW

D’abord en ville, dans un club d’archerie traditionnelle situé à 200 mètres de mon appartement, et que je continue à fréquenter.

Entrainement

Puis chez des amis argentino-écossais, installés ici depuis la fin du 19ème siècle, qui possèdent un territoire à 350 km au Sud-Ouest de Buenos Aires. Nous sommes au début de ce que l’on appelle la « Pampa humeda » (humide).

Ces amis m’ont invité l’année dernière à passer une semaine chez eux, avec mon arc (j’y suis retourné très souvent depuis).

Tout ce que je savais avant d’arriver la première fois, c’est que le territoire était très sauvage et reculé, que les propriétaires y avaient chassé beaucoup étant jeunes, et que probablement ils me permettraient d’explorer leur campagne avec mon arc. Je savais également que celle-ci était plate, peu boisée, avec beaucoup d’eau sous forme de lagunes, des vaches, des chevaux et des céréales sur 5 000 hectares. Pas de grand gibier, mais des espèces exotiques…

A mon arrivée, le dépaysement fut total. Les derniers 30 km avant l’ « estancia » sont faits de pistes en sable, larges, mais tortueuses, ou l’on croise quelques pick-up, camions de lait et motos avec 3 passagers sans casque. Aucune habitation visible à ce moment là, juste de l’eau, des prés et des champs. J’aperçois les premières lagunes, certaines de plusieurs centaines d’hectares, bien fournies en roseaux, remplies de petits canards, d’oies, de cygnes, flamands roses et autres poules d’eau… Cela promet !

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L’arrivée au « casco » (la maison du maître) fut également une belle surprise. Une superbe « estancia » traditionnelle, de style colonial, au milieu d’un grand parc. A l’intérieur, trophées africains et européens me laissaient penser que nous étions là où il fallait être, et dans les meilleures conditions…

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Rapidement, je suis briefé par Don Aly, le propriétaire, sur les spécificités du territoire et règles à suivre. Ici tout est simple, nul besoin de permis entre amis…

Je devrais néanmoins faire mon apprentissage tout seul, car personne ici ne comprend bien comment il est possible de chasser à l’arc.

Le plan de chasse

→ Carte blanche pour les « plagas » (plaies), à savoir les renards, les lièvres, les ragondins, les « peludos », les opossums, les putois, les perruches et tourterelles, une espèce spécifique de cygne, les poules d’eau, vanneaux, grives, etc.

→ Prélèvement raisonnable des canards et oies, faisans et perdreaux, car ici, on ne chasse que ce dont on a besoin pour le diner.

→ Quelques espèces protégées, comme certains cygnes, quelques gros oiseaux, courlis locaux, flamands roses, cigognes, etc.

Visite des lagunes

Don Aly me dépose en 4×4 avant d’arriver sur l’une des plus grosses lagunes du territoire. Nous avons de la chance cette année, car il a beaucoup plu, et les lagunes sont immenses. Il arrive certaines années que la moitié d’entre elles disparaisse, faute de pluie.

J’ai 2 heures devant moi avant que l’on passe me prendre.

Je n’avais pas un pied dans les roseaux que déjà plusieurs centaines d’Ibis s’envolent devant moi, à moins de 20 mètres. Les flamands roses décollent au loin. Des oiseaux à perte de vue et une cacophonie de sons jusque là inconnus.

Me voici au milieu de 250 hectares d’eau, 30 à 50 cm de profondeur à peu près partout, des touffes de roseaux denses mais espacées, laissant de très grands espaces dégagés vers lesquels tirer. La faible profondeur, en plus d’être attractive pour les oiseaux, permet de récupérer ses flèches  facilement. Je n’en ai pas perdu une seule dans l’eau.

Dans le dos, un carquois avec une dizaine de flu-flu. Sur l’arc, 6 flèches montées avec des lames pour les tirs posés.

Le tir en vol est compliqué, certains diront aléatoire, improbable, mais les conditions ici sont idéales.

La nuit approchant, le défilé d’oiseaux se fait incessant. 3 flèches en l’air, 2 flèches sur l’eau, et ainsi de suite pendant 1 heure. Les occasions de tirs sont nombreuses, entre 10 et 20 mètres en général. Je me suis aussi surpris à tirer bien plus loin que ça.

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Au final, je n’ai pas eu de réussite en vol, mais j’ai constaté que mes flèches se rapprochaient sérieusement au fur et à mesure de mes sorties. J’ai vu les oiseaux changer leur trajectoire pour éviter mes flèches, et entendu plusieurs fois le frottement de mon projectile sur l’extrémité des plumes des ailes.

J’ai eu plus de chance au posé, et à ce jour, j’ai réussi à prélever 2 beaux canards, et une bonne dizaine de judelles.

Le tir en vol est un excellent entrainement, peut être d’avantage qu’un véritable mode de chasse. Mais il faut pour ça avoir l’occasion de tirer un grand nombre de flèches. J’arrivais à en tirer une quarantaine par sortie, parfois plus.

Cela m’a permis de travailler mes réflexes sur toutes les phases du tir, notamment l’analyse des trajectoires, l’armement, le swing et la position des pieds.

C’est également une chasse intéressante et amusante, où il y a toujours de l’action, à mi-chemin entre l’approche et l’affut. Silence et immobilité sont de rigueur. Il faut rester concentré et attentif, mémoriser les endroits ou sont tombées les flèches, à 360 degrés, regarder en l’air et au ras de l’eau, éviter aussi les gros oiseaux qui signalent votre position.

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Découverte des « péludos »

Le « péludo » est un animal typique d’Amérique Latine. Il s’agit en fait d’un petit tatou, d’une dizaine de kilos. Dans les régions où il prolifère, le « péludo » est le nuisible par excellence, réunissant toutes les qualités du blaireau, du ragondin et de la taupe. Ce petit animal vit sous terre, dans 5 ou 6 trous différents qu’il occupe selon l’heure de la journée. Ces trous sont profonds, mettant à jour des quantités impressionnantes de terre. S’il aime creuser autour des vieux arbres, il creuse aussi au beau milieu des pelouses, quasiment sous les fenêtres des habitations. Il laisse d’importantes coulées très marquées, particulièrement visibles. Les trous sont dangereux car il y en a partout, y compris en plein champ, que les « gauchos » empruntent tous les jours à cheval, provoquant plusieurs fractures par an sur le territoire. Il est aussi friand d’à peu près toutes les cultures, il est omnivore, se reproduit rapidement et en nombre.

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J’ai du apprendre à connaître cet animal par moi même, car les informations que l’on m’a données sur ses habitudes n’étaient pas très utiles : « il ne sort que la nuit ! ».

L’animal est en effet extrêmement furtif, et il est bien rare de l’observer de jour. Heureusement, ses trous et ses coulées sont repérables facilement, donc ses zones de vie. Je n’en avais jamais vu autrement qu’en photo avant ma première sortie.

J’ai décoché la première flèche un matin, une bonne demi heure avant le lever du soleil. On voyait encore mal, mais je m’étais posté à 10 mètres de la plus grosse coulée repérée la veille, à 30 mètres de la maison. Le premier individu finit par passer rapidement, et sans aucun bruit. Je le distinguais à peine et le vit tardivement. Ma flèche est passée au dessus. Aucun autre « péludo » ne passera sur cette coulée.

Voyant plus clair, je décide de faire le tour du parc, en longeant par les champs.

Posté au coin du bois, sur une parcelle déjà fauchée, la silhouette nette d’un premier « péludo » se dessine à 40 mètres. Il arrive au petit trot et devrait passer devant moi à 10 mètres. Il s’arrête à bonne distance, je suis complètement à découvert. J’arme mais il ne bouge pas. Je décoche, il redémarre et s’arrête 3 mètres plus loin. Je l’ai raté mais il n’a pas compris le danger. Il me regarde encocher une nouvelle flèche, je le tire à la course cette fois, le rate à nouveau et il disparaît à 5 mètres de moi. Il y avait là un énorme trou que je n’avais pas remarqué.

Les quatre flèches suivantes toucheront leur cible, traversant aisément la carapace pourtant épaisse.

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Le « péludo » est un animal surprenant à chasser à l’arc. Il voit mal mais possède un très bon odorat. Il n’est pas particulièrement prudent, et peut vous tourner le dos à 20 mètres pendant 3 minutes, sans lever la tête, offrant sur un plateau quelques opportunités d’approche. Mais à la moindre alerte, il n’a jamais très long à faire pour plonger au fond d’un trou, que ce soit le sien ou celui d’un congénère. Il s’y contre-terre systématiquement.

S’il n’est pas très rapide, il démarre vite et ses trajectoires en zig-zag ne facilitent pas le tir, tout comme sa manie de s’arrêter régulièrement, puis de repartir aussi sec.

Je n’ai jamais réussi à en tirer un autre depuis cette première sortie…

Perfectionnement au vol pour un tir plus instinctif

Lors de mes sorties pour les « péludos », je fis une découverte très intéressante. Au lever du jour, des milliers d’oiseaux quittent le bois, pour gagner les champs où ils se nourrissent toute la journée. De ma vie je n’avais encore jamais assisté à pareil spectacle. C’est un petit peu comme les plus belles passées à la grive chez nous en France, avec 100 fois plus d’oiseaux, et une vingtaine d’espèces différentes.

Chacune leur tour, elles sortent en formation serrée, 20 minutes avant le lever du soleil, en se suivant dans un ordre très précis, et sans aucune interruption.

Les premières à se montrer sont les perruches vertes. Le ciel s’obscurcit tout à coup. Par groupe de 10 à 50 individus, à touche touche de sorte qu’on a du mal à distinguer les différents groupes, criant tant que possible pour réveiller les autres, et à flot continu. Toutes les perruches quittent le bois en 3 minutes chrono. Suivent ensuite les tourterelles et autres ramiers, les grives locales et de nombreuses espèces de passereaux. Tous les matins, le bois se vide en 15 minutes.

Le soir tout le monde revient, mais en plus petits groupes, et pendant une bonne heure.

A cette époque, tous les champs bordant le parc était en chaume, ce qui permettait de retrouver facilement les flèches. J’arrivais à en tirer 50 tous les soirs, et 20 le matin, parfois plus.

Là aussi les tirs sont difficiles, mais à ce rythme, les progrès se font sentir rapidement, et j’ai finalement fait tomber un vanneau, à une vingtaine de mètres.

Grâce à ces affuts, j’ai aussi eu l’occasion de tirer quelques lièvres, et de flécher mon premier renard.

J’étais complètement à découvert à 15 mètres dans les chaumes, lorsque j’aperçois 3 renards en lisière du bois. Ils m’aperçoivent eux aussi et font demi-tour. Sans que je comprenne pourquoi, la mère ressort en plein champ 5 minutes plus tard, à 20 mètres de l’endroit où je viens de les voir. Etonnamment, elle se dirige vers le milieu du champ, et va passer devant moi à moins de 15 mètres. La nuit tombe mais on voit encore clair.

Elle accélère quand elle me voit, mais ne change pas de direction. Je décoche ma flèche à une vitesse qui me surprend encore, sans réfléchir. J’ai par contre l’impression qu’elle met du temps à atteindre sa cible. Je m’entends encore dire dans ma tête que j’ai tiré trop vite, sans prendre le temps d’ajuster mon tir, et que comme d’habitude, ma flèche va taper un mètre derrière. C’est en effet ma spécialité.

A ma grande surprise, j’entends l’impact, et je suis dedans. Je ne le retrouverai que le lendemain matin, après avoir suivi la piste du sang, hélas sans chien. Il m’a fallu 4 heures de recherche, et 300 mètres à plat ventre dans le bois, dans un bourbier inimaginable pour retrouver l’animal. La flèche était un peu derrière mais le sang bien visible.

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J’en déduit que ces séances d’entrainements à répétition m’ont permis de progresser sur ce que je comprends maintenant comme étant le vrai tir instinctif. Des flèches quittant l’arc sans que j’ai la sensation d’avoir à réfléchir à la trajectoire. Un peu comme le coup d’épaule au fusil, et je n’avais jamais réussi à tirer aussi rapidement auparavant. Il est probable aussi que la quantité importante de flèches tirées m’a permis d’être musculairement au top, ce qui est très important pour le tir instinctif.

J’espère maintenant que j’arriverai à garder cette part d’instinct en moi malgré des sorties moins fréquentes, et que cela portera ses fruits cet hiver en France.

Voici pour terminer deux vidéos de tir instinctif Argentin !

FILM 1 

FILM 2

Bonnes flèches à tous.

Guillaume